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Souviens-toi du jour

le 29/03/1984

il y a 40 ans

La première télé sur une chaîne nationale de Mylène

Duel chansons

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Paradis Inanimé
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2018
Des larmes

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Jean-Marc Kerdelhué - Interview (2011)



    INTERVIEW DE JEAN-MARC KERDELHUÉ

    Chef décorateur sur le clip Sans Logique
    2011
    Fanzine Styx Magazine spécial Ainsi soit je... / Tour 89



Styx Magazine : Comment avez-vous rencontré Laurent ?
Jean-Marc Kerdelhué : Dans mon souvenir, c'est Laurent qui m'a contacté. On s'est rencontrés et il m'a raconté un peu son imaginaire, son histoire. Par la suite, on a chacun amené des idées pour le décor et les personnages. Jean-Pierre Sauvaire, le chef-opérateur, a amené des photos de Josef Kudelka. Ce sont des photos en noir et blanc, avec des panoramiques, des têtes de gitans, un univers rempli de gens aux regards très très noirs et avec des sillons sur le visage. Les hommes comme les femmes ont un certain âge. Ils ont une beauté complètement minérale. Moi j'ai amené les photos d'un photographe péruvien dont je ne me rappelle plus le nom. On a aussi regardé pas mal de photos de Sebastião Salgado, des photos en noir et blanc très contrastées qui nous ont inspirés pour les personnages du clip.


Laurent est-il arrivé avec une idée très précise du décor qu'il voulait donner au clip ?
Il avait l'histoire évidemment, ainsi que l'ambiance qu'il voulait donner à son film. Mais rien n'était dessiné. Il a fait 80% du chemin et nous le reste, comme une grande finition avec lui. Donc de mon côté, j'ai fait des dessins que j'ai montré à Laurent. Comme il avait son histoire dans la tête depuis bien longtemps et qu'il savait où il voulait arriver, au fur et à mesure je changeais les chromatismes, je rajoutais des éléments au décor, j'en retirais... Les dessins que vous pouvez voir sont des dessins finalisés. Mais il y en a eu des tas d'autres avant, avec du vent, des fleurs qui poussent etc. Et puis on dépouillait, jusqu'à obtenir le résultat souhaité, sur dessins du moins. Finalement, il n'y a pas beaucoup de couleurs dans ce clip, mais c'est déjà un choix.


Où se situait le studio où le clip a été tourné ?
C'était à Arpajon. On a loué le studio le plus grand possible. il faisait près de 1200 m². À la fin du tournage, je me rappelle que c'était un vrai 'carnage' là-dedans, de la bouillasse, il y avait de l'eau qui tombait de partout (rires).


Comment le paysage a-t-il été construit ?
On a ramené plusieurs camions d'une terre particulière qu'on appelle 'terre à la pince'. On en voit souvent sur les chantiers. C'est une terre très jaune qui ne coûte pas très cher et qu'on peut modeler facilement. On en a fait plusieurs tas puis avec un camion spécial, on a créé des perspectives de sorte à former une cuvette. L'idée, c'était de construire un plateau un peu en altitude sans trop de montagnes, dans un endroit du monde qui se situerait plutôt en Amérique du Sud ou en Espagne. Et puis ce décor a été habillé au fur et à mesure. On déplaçait les objets de sorte à enrichir au mieux les différents axes de prise de vue.


À propos d'objets, comment avec-vous choisi les éléments qui composaient le décor ?
En fait, dans mon souvenir, une fois en studio aussi, on a épuré tout le temps au niveau du décor. Le paysage est finalement très dépouillé et écorché dans ce clip. Donc on a amené plein d’accessoires, des trucs qu'on trouve comme ça sur les chemins, qui racontent des histoires. Et puis on a enlevé, enlevé, enlevé, et à la fin, on s'est retrouvé avec très peu d'éléments. On a gardé ceux qui accrochaient bien la lumière. Et ceux qui marquaient aussi le mieux l'ambiance que Laurent voulait donner au clip. Là par exemple, on a pris des bouts de bois, on les a brûlés et les a posées comme ça. Chaque élément du décor a une signification.


Quels éléments ont été enlevés ?
Oh il y a plein d'idées qu'on n'a pas utilisées ! On avait amené un piège à loup et il n'a pas été retenu par exemple. Très souvent, le fait que l'on soit pressé par une ou deux journées de tournage fait qu'on est obligé de faire un sérieux tri au niveau des objets. C'est ce qui s'est passé là encore. Après on arrangeait ce qu'on gardait. Si on retenait un bout de bâton, on pouvait mettre un bout de tissu dessus par exemple. Ou de deux objets, Laurent n'e faisait qu'un. Mais pour les costumes, c'est pareil. On nous amène une panoplie de costumes et dedans, on choisit et on prend en fonction de ce qu'on a décidé en amont. Finalement, Laurent arrange ce qu'on lui amène en fonction de son idée de départ. Il construit son image petit à petit, jusqu'au dernier moment.


Donc les idées évoluent au fur et à mesure ?
Exactement, ça se construit tout le temps. Lorsqu'on est au studio, on aménage tout, on discute des emplacements, des éclairages. Là par exemple, on avait cette terre un peu jaune qu'on pouvait non seulement modeler mais aussi colorer comme on voulait. Pour ce clip, on la voulait très très noire, la plus noire possible. Donc on est allé chez quelqu'un qui l'a arrangée selon nos souhaits. Il a mélangé la terre avec des feuilles etc. jusqu’à atteindre la densité de couleur que nous voulions. Mais du coup, par la suite, on s'est aperçus que ça n'allait pas très bien avec le ciel tel qu'il avait été peint à l'origine : un dégradé du bas vers le haut qui allait du blanc au noir en passant évidemment par du gris. Pour l'accorder avec la terre, le chef opérateur a eu la très bonne idée d'éclairer ce ciel avec une gélatine chocolat qui donnait une couleur marron sépia à l'écran et donc cette impression d'un paysage un peu irréel.


Laurent vous dirigeait-il sur la manière dont devaient être disposés les éléments du décor ?
Non pas du tout, c'était assez libre. Il arrangeait deux trois choses mais c'est tout. Parce que lui en même temps, il avait l’œil à la caméra, il avait la suite des plans dans la tête. Il avait une idée beaucoup plus générale du clip que nous : il avait la chanson dans la tête, il en connaissait le rythme, il savait à quel moment il fallait faire commencer la pluie par exemple. Mais sans beaucoup se parler finalement, tout le monde est arrivé au résultat qu'il voulait. Avec Jean-Pierre Sauvaire, on connaissait son univers, il y avait une compréhension totale de ce qu'il voulait et lui était très clair dans ses demandes. Donc voilà ça roulait. Mais ce n'est pas tout le temps comme ça avec tout le monde !


Revenons au ciel dont vous nous parliez précédemment. Il est très présent et très lourd dans ce clip. C'était volontaire ?
Oui, le ciel a beaucoup d'importance dans ce décor car il contribue à amener une ambiance. L'orage qui arrive est en effet déjà annonciateur de quelque chose qui ne vas pas tarder à exploser, il amène une sorte de pression. Donc on a peint un ciel très bas. Il faisait quelque chose comme cent mètres de long, en forme de U. Il a été fait par deux peintres, Santiago et Claude Poulain, qui sont vraiment très pros. Ils ont peint le ciel en une semaine, ce qui représente un travail énorme !


Précédemment aussi ,vous nous parliez des personnages du clip inspirés de photos de Salgado. Où Laurent a-t-il recruté les acteurs de son court-métrage ?
C'était toute une famille de gitans ou de tziganes établie depuis quelques années en banlieue parisienne. C'était une bande assez rigolote. Ils avaient une énorme force entre eux ! En fait, ce n'était pas vraiment des acteurs mais ils étaient inscrits dans pas mal d'agences de casting. Ils étaient très malins ! Je me souviens qu'à la fin du tournage, ils avaient réussi à se faire tourner un clip sur l'une de leurs chansons. Ils avaient profité du décor, du matériel et des techniciens qui étaient là pour faire ce petit film...(rires).


Y a-t-il eu des difficultés particulières lors du tournage sur ce clip ?
Non pas du tout. Pour moi comme pour le chef opérateur, c'était facile. Encore une fois, Laurent est quelqu'un d'assez clair. Il sait ce qu'il veut, il exprime les choses. Donc le tournage s'est déroulé de façon très agréable. Je n'étais pas tout le temps là mais ce que j'en ai vu était très sympa. Je n'ai pas d'anecdote particulière à raconter mais je me souviens que Mylène était adorable. En même temps, elle l'est tout le temps ! J'ai d'autres amis qui ont fait des clips avec elle plus tard, et pareil, ils l'ont trouvée très sympa. C'est quelqu'un de très discret, Si tu la croises dans les couloirs, tu sens qu'elle n'est pas en représentation. Elle est simple, détendue. Tu peux manger en face d'elle à table, à la cantine... voilà ! Elle ne va pas se faire livrer son repas à part dans une loge !


Qu'avez-vous ressenti du duo Farmer / Boutonnat durant ce tournage ?
Ils se connaissent très très bien ! Ça coule de source tout le temps entre eux, c'est une évidence. Et puis je pense que Mylène est quelqu'un de très pro. Elle travaille beaucoup, elle connait bien tous ces métiers-là. Même si elle en était à ses débuts à l'époque, on sentait déjà son professionnalisme. Nous les techniciens, on voit souvent quand les gens sont dans l'attente et ne supportent pas. On entend leurs demandes, on voit leurs réactions face à la caméra, etc. D'autres savent à quel moment il faut être patient. Mylène était très pro face à tout ça. Elle savait que c'était une journée consacrée au tournage, consacrée à sa musique et elle n'était pas là à faire des caprices. On sentait qu'elle avait bien compris la place des caméras, des lumières. Et on voyait l'intérêt et le plaisir qu'elle avait à faire tout ça.


Que pensez-vous de l'artiste 'Mylène Farmer' ?
Ce n'est pas ce que j'écoute chez moi car je suis plus tourné vers le blues, le jazz, le classqiue. Mais j'ai vu un de ces concerts au Stade de France et je dois dire que c'était exceptionnel. C'était un show extraordinaire ! Je ne suis pas étonné du tout de la carrière qu'elle connait. Ce qu'elle fait, c'est de très très bon niveau !


Selon vous, Laurent Boutonnat et Mylène Farmer restent-ils une exception dans l'univers du clip en France ?
Oui, et bien qu'ils ne tournent plus ensemble, ils le sont toujours ! Ce sont les seuls à avoir fait des clips comme ça en France. Je n'avais jamais fait des clips avec autant d'amplitude à l'époque. Ils restent les deux qui ont amené les clips aux mini-scénarios très construits. Niveau budget il n'y avait aucun problème avec Laurent. Je n'ai jamais eu de frein. À l’époque, faire un clip avec lui revenait à utiliser un budget d'un moyen métrage aujourd'hui. C'était très plaisant à faire !