L'Est Républicain : Le
clip de Pourvu
qu'elles soient douces
est la suite de Libertine.
Mylène Farmer : Les deux thèmes se liaient bien.
Laurent Boutonnat a
écrit un scénario dans ce sens. Le tournage a
duré huit jours. Nous avons fait appel à 500
figurants. Ce qui est colossal pour une vidéo. Il y avait
même un conseiller historique. Certains nous disent :
où avez-vous trouvé l'argent pour mener
à bien une telle production ? Nous investissons nos propres
deniers préférant manger des pâtes tous
les jours et s'offrir ce genre de création.
Il n'y a pas
d'exploitation possible dans les salles de cinéma ?
Absolument interdite ! Même si cela paraît
aberrant, ils ont trouvé le clip trop long. Quand on leur
présente quinze minutes, ils en veulent dix et ainsi de
suite. Ils ont même trouvé cela trop beau pour le
film qui allait suivre. Il ne reste que la
télévision.
Tu n'as pas comme
pour Libertine travaillé au
scénario ?
Je collabore, c'est vrai, souvent avec Laurent, que ce soit pour les
musiques, le studio, les scénarios
précédents. Cette fois, j'ai laissé
faire. Ils y ont travaillé à deux. À
trois, tout se serait compliqué. C'était, pour
moi un peu comme quand un metteur en
scène présente un synopsis.
Tu as
pensé à Libertine en écrivant le texte
de cette chanson ?
C'est complètement innocent. Innocent aussi par rapport
à cet événement qui se
prépare, le bicentenaire de la Révolution
Française. Nous n'y avions pas songé.
Vous avez plus que
d'autres compris la force de la vidéo liée
à la chanson. Un truc que les anglais appliquent depuis
longtemps.
Certaines maisons de disques, je ne parle pas de la mienne, jugent
cette démarche inutile. Des personnes veulent peaufiner plus
leur image que d'autres. Nous avons, Laurent et moi, un amour du
cinéma. Il a besoin de créer également
dans ce domaine. Je ne peux dissocier chanson et images. J'ai d'abord
voulu être comédienne.
As-tu des projets
de vidéodisque ?
Trois français se sont déjà
impliqués dans ce type de création. Ainsi soit je... a
été exploité de cette
façon. Nous avons un petit peu fait figure de
précurseurs en réalisant une compilation de clips.
Et le cinéma ?
Je peux dire aujourd'hui que Laurent Boutonnat a un projet de
long-métrage. Il y a avant, une scène
à effectuer. Ensuite, il pensera cinéma sans
oublier la chanson. Moi aussi peut-être. Cela dit avec des
points de suspension.
Quelle a
été votre façon de travailler pour ce
second album à l'instant de lier musique et textes ?
Les mélodies sont toujours faites avant. Le thème
de Sans
contrefaçon était, par exemple, dans
mon esprit depuis longtemps. Je tenais à
écrire Allan
puisque Edgar Poe me passionne au point de vouloir le faire exister
dans une chanson. J'aime beaucoup Léo Ferré, ce
côté narratif de certains de ses titres. Nous y
avons pensé en réécoutant une
composition. Baudelaire, que j'apprécie
également, s'est presque naturellement imposé
pour ce type d'approche.
Pourquoi avoir
choisi L'Horloge ?
Le thème du temps qui passe m'obsède. C'est un de
ses plus beaux poèmes, un de ceux qui n'a pas
été décortiqué.
Jardin
de Vienne : Jardin de Vienne
traite d'un événement qui a
été proche et concret pour moi à un
moment donné.
Parlons de la
scène. Le grand événement de ta vie ?
Je ne peux pas encore en dire grand-chose si ce n'est que ça
sera le Palais des Sports en mai 89. Nous construisons
actuellement le scénario. J'ai vraiment attendu le moment
venu pour tenter cette expérience. Aujourd'hui, j'ai envie
d'y aller. Je m'en sens capable. On entame un deuxième cycle.
Tu
répètes déjà avec des
musiciens précis.
Je ne veux pas
trop en parler. Je me prépare physiquement, comme peut le
faire un acteur avant de se plonger dans un rôle. Je vais
avoir un entraîneur avec qui courir. Je travaillerai le
chant. Il y a également une alimentation
particulière. Il y a six mois, je ne connaissais pas le jus
de tomate. Quant aux musiciens, j'aimerais notamment Slim Pezin qui a
déjà beaucoup pris part à mon travail.
Sera-t-il disponible ?
On s'attend de la
part de Mylène Farmer à un show très
visuel.
Ce tour de chant ne sera pas traditionnel dans la mesure où
je ne serai pas plantée derrière mon micro. De
là à penser que la scène vomira du
feu, de l'eau, l'enfer... Je plaisante ! Mais des gens, souvent, me
disent : "Alors, vous allez projeter vos clips !" J'espère
qu'il se passera des événements peu ordinaires.
Laurent Boutonnat
participe à la mise en scène ?
Nous serons trois pour l'élaborer. Gilles Laurent est venu
se greffer à notre équipe. La
chorégraphie sera plus mon domaine. Ce qui
n'empêche pas le dialogue.
Les deux albums
figureront au répertoire ?
Seize titres environ. Un condensé des deux disques avec une
place plus conséquente pour le second.
Tu as
prévu des inédits ?
Une nouvelle chanson. Et puis une surprise, certainement !
Tu réaliseras un album
public pour l'occasion ?
Pourquoi pas. Il faudra aussi quelqu'un pour filmer le spectacle. Cette
fois, Laurent ne pourra le faire. Sinon, je serai la seule à
ne pas me voir. Je suis très critique pour tout ce qui me
concerne. Ce film ne peut être qu'un bon miroir.
Pourquoi avoir
choisi le Palais des Sports ?
Je ne voulais en aucun cas commencer par l'Olympia. Je trouve,
contrairement à beaucoup, que cette salle a perdu de son
charisme, de sa magie. Je ne voulais pas, d'autre part, d'un lieu
intimiste. J'ai besoin de grands espaces, d'une respiration tout en
restant proche du spectateur.
Une composition de
ton album, La ronde
triste, est
en anglais.
La musicalité de cette langue se prête tellement
bien à la chanson. Je bénis pourtant les dieux
qui ont fait que je sois de souche française. On imagine
mal Allan ou L'Horloge
dans une autre langue. Je veux exister sur autre chose qu'un simple
tempo musical.
Pourquoi cette
reprise de Déshabillez-moi
?
Je tiens à souligner le côté
humoristique de la démarche. J'ai toujours
préféré Barbara à Juliette
Gréco. Chacun connaît Déshabillez-moi
parce que les parents, les grands-parents même connaissent.
J'ai eu envie de déguiser, de 'rhabiller' cette chanson.
Baudelaire te
fascine.
Je le découvre de plus en plus. Je lis des biographies.
Tu te reconnais
dans les écrivains du XIXè siècle ?
Je n'arrive pas à m'extraire de cet univers. Toute la
littérature que je veux égrener vient de
là. Je me sens bien dans les choses un petit peu plus
désespérées que
désespérantes. Ma vision de la vie est ainsi.
Quant à penser que ce soit la bonne thérapie !