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Interview de Mylène Farmer - Paris Match - 30 mai 1996






Interview réalisée à Los Angeles pendant les réptitions du Tour 1996.


Paris Match : Vous remontez sur scène pour la première fois depuis sept ans. Pourquoi une si longue absence ?
Mylène Farmer : Je suis toujours très longue à me décider ! D'abord, il y a eu Giorgino : entre l'écriture, le tournage, le montage...


Et le naufrage...
... Il s'est passé beaucoup de temps. Je suis allée me "ressourcer" en Amérique. A Paris, je tournais en rond. A force de vivre dans l'éternel même cercle, on ne voit plus que son nombril. Disons que j'avais besoin de m'oublier. Ça prend du temps. Le ciel plombé, tous les jours, au sens propre comme au figuré, à la longue, ça joue sur le moral. J'ai toujours en moi l'idée du voyage. De nouvelles rencontres. Je ne peux trouver mon inspiration que dans une idée de liberté.


Vous passez votre vie à essayer de vous cacher. A fuir. Comment peut-on à la fois rechercher l'ombre et aimer les projecteurs ?
J'ai viscéralement besoin de cette lumière. Mais est-ce que je ne vis que pour ça ? Je ne sais pas. Sur scène, je ne connais pas que des moments d'extase. Pourtant... c'est magique. La scène est un vertige qui vous porte vers le haut. J'aime son côté sensuel, foudroyant. C'est comme un orgasme.


Quel regard vous portez-vous ?
Avec le temps, un regard plus tolérant. Mais pas amical. J'ai toujours été mon pire ennemi.


Vous arrive-t-il de douter de votre talent ?
Bien sûr. J'ai toujours été rongée par le doute et par mes névroses. Longtemps, ça m'a empêchée d'affronter la vie. Le doute est toujours là, mais, depuis que j'ai appris à admettre mes défauts, ils ne m'empêchent plus de créer. J'accepte enfin l'idée du temps qu'on ne peut pas retenir. Je vis l'instant présent. On nous a élevés en nous disant que notre passé faisait partie de nous. Qu'il fallait vivre avec. Qu'on n'avait pas le choix. On nous plante des fourchettes dans le dos en nous disant : attention à votre futur. Que faire? J'ai toujours l'impression d'être sur le fil du rasoir.


Vous cultivez avec délice l'ambiguïté. Toujours moitié victime, moitié bourreau.
Pourquoi me faire sans arrêt des procès d'intention ? Si je ne veux pas donner la clé des choses, c'est mon choix. Je préfère me montrer insensible qu'"abîmée". Je n'ai pas à me justifier. Ou alors, c'est moi qui le décide. Je me laisse porter.


Vous entretenez un côté "Garbo". On a parfois l'impression que vous exploitez votre mal de vivre à des fins commerciales.
Par nature, j'aime la discrétion. Si je donne peu d'interviews, ce n'est pas par calcul mais simplement parce que je ne sais pas bien parler de moi. Quand on fait ce métier, il faut savoir donner au public. Ce qui ne veut pas dire se jeter en pâture. Je me fiche du qu'en-dira-t-on ; pourtant, j'ai tendance à vouloir tout contrôler. J'accepte cette contradiction. S'il y a un procès à faire, je préfère le faire à mon encontre que de me dire après : si j'avais su.


Dans votre dernier clip, mis en scène par Abel Ferrara, vous jouez une prostituée. Le sexe, la violence, tout ça sur fond d'Amérique. C'est quand même très racoleur.
C'est mon idée. Elle me trottait dans la tête depuis longtemps. La liberté, pour moi, ça peut être une pute qui fait le trottoir sur Hollywood Boulevard. Je voulais en savoir plus avant de tourner. Je les ai rencontrées. Certaines m'ont dit qu'elles prenaient un vrai plaisir à faire ce métier.


Vous aimez cette indécence ?
Oui. J'avoue moi aussi que j'y ai pris du plaisir. On a tous en nous un côté vulgaire qu'on refoule. Le sexe fait partie intégrante de notre vie. Moi, j'accepte sa violence. Histoire de l'œil de Georges Bataille, est un de mes livres préférés. Ça ne veut rien dire. J'adore aussi lire Sade. Pourtant, je hais la torture. Simplement, je refuse de me censurer.


Ce thème de la prostitution, c'est un peu une métaphore de votre carrière. Vous vous exposez. Vous vous vendez. Mais au fond, vous ne révélez rien de vous.
Quand j'écris mes textes, je livre beaucoup plus de moi que vous ne croyez. Il suffit de savoir écouter.


La chanson française pas plus que le cinéma français ne s'exportent aux Etats-Unis. Pourquoi ?
D'entrée, on vous dit que c'est "mission impossible". Personnellement, je n'ai pas à me plaindre. On m'a proposé de faire un album en anglais. J'ai refusé. Ce n'est pas l'envie qui me manquait, mais je ne peux pas écrire en anglais comme en français. Je n'arrive pas à jouer avec les mots, à aller au-delà d'eux. Je dirais que la chanson française manque d'énergie. Les Américains ont une capacité de travail hors du commun. On leur apprend dès l'enfance qu'il faut être numéro un. Qu'il faut sortir de la masse. Nous, on nous enseigne exactement le contraire. Comment lutter ?


C'est pour ça que vous allez chercher tous vos danseurs en Amérique ?
Mon spectacle est dans la tradition américaine. J'avais besoin de leur stature, de leur métissage. Mais c'est tout. Car ce que les Américains gagnent en professionnalisme, ils le perdent en émotion. On ne peut pas tout avoir.


On parle souvent plus de vos clips que de vos chansons. Auriez-vous été Mylène Farmer sans la vidéo ?
C'est un concept génial. J'ai la chance d'être née avec. Pour moi, l'œil est aussi important que l'oreille. Comment dissocier l'un de l'autre ?


Gainsbourg disait que la chanson est un art mineur. Ne trouvez-vous pas que chanter est un métier superficiel ?
Je ne peux répondre que pour moi. Je ne me prends pas au sérieux, mais je mets beaucoup de sérieux dans ce que je fais. Je regrette qu'aujourd'hui il y ait un aspect mouchoir jetable dans ce métier. La quantité prime sur la qualité. Au nom de la rentabilité, on est en train de tuer la création.


Pourriez-vous vous passer des applaudissements ?
Il ne faut pas être hypocrite. Si on fait ce métier, c'est pour être aimé. Non, je ne pourrais pas m'en passer. Mais il y a mille formes d'applaudissements. Dans la Bible, il y a un passage : "Dieu vomit les tièdes." J'ai passé ma vie à rechercher l'extra-ordinaire. Je n'ai pas l'intention de m'arrêter. La tiédeur me tue.


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