Parcours
J'ai débuté en tant que
comédien à
l'âge de 13 ans dans un
téléfilm avec
Pierre Fresnay, intitulé Tête d'horloge.
Puis
j'ai enchaîné avec une pièce
de
théâtre (La
Terre est ronde, d'Armand Salacrou) et une trentaine de
téléfilms, dont
une quinzaine de rôles principaux (notamment Siberman, de J.
De
Lacretelle, tourné par P. Cardinal, Le Sagouin,
d'après Mauriac mis en scène par
Serge Moati,
Les Yeux Bleus,
un feuilleton de 6 heures tourné par
François Dupont-Midy). Après, je me suis mis
à
écrire et j'ai parallèlement
continué
à jouer pour la radio et à faire du doublage (le
fils de l'enquêteur dans Pulsion,
le fou dans Christine
de John Carpenter, Jayce dans Jayce
et les conquérants de la lumière,
Steeve Urkel dans Une
famille formidable, David Silver dans Beverly Hills,
etc., NDLR).
Actuellement, mon activité professionnelle est
entièrement concentrée sur
l'écriture.
Laurent et Mylène
J'ai connu Laurent à l'époque
où
j'étais comédien. Laurent
désirait
également l'être et il était
venu me voir sur
un tournage, pour en discuter. C'était vraiment un
touche-à-tout, aussi bon musicien que caméraman.
Il
m'a fait l'amitié
d'être cadreur sur un
court-métrage que j'avais écrit, et
dont le sujet
l'intéressait, La
Lettre à Dieu. Il
m'a
présenté Mylène peu de temps
après, avec
son projet de lui faire chanter
Maman a tort.
Genèse
L'écriture de Giorgino
a
débuté bien des
années avant la sortie du film. Laurent avait envie de faire
un
long-métrage. Nous sommes partis d'une musique au
piano,
qui lui trottait dans la tête. A partir de là,
nous avons
écrit pratiquement quotidiennement pendant presqu'un an.
Nous
étions tous deux très motivés, car
nous avions une
liberté absolue. Giorgino
n'était pas
un film de
commande, il n'y avait pas
d'échéance
particulière. C'était passionnant, il y
avait tout
à construire autour de cette musique douloureuse et
romantique.
Une fois écrit, ce scénario est resté
dans un
tiroir pendant un certain temps, durant lequel Laurent m'a
sollicité pour écrire deux clips avec lui, et
travailler,
avec Mylène et lui, à la publicité du
spectacle du
Palais des Sports (le concert de 1989, NDLR). Mylène a suivi
l'évolution de l'écriture de
Giorgino, mais
elle n'est jamais intervenue directement dans cette
écriture. Ce film, s'il
l'intéressait,
était avant tout le projet de Laurent.
Financement
Giorgino était un film ambitieux, Laurent
voulait une
très grande chose, à la David Lean. Les
décors
coûtaient cher et il fallait trouver d'immenses
paysages
enneigés durant des semaines, donc aller tourner loin.
C'était un film lourd à monter, avec
beaucoup de
contraintes. D'autant plus qu'il y a toujours eu
une assez
grande difficulté pour les gens du show business
à mettre
les pieds dans le cinéma. Ils y sont rarement les bienvenus.
Personnages
Nous écrivions pour Mylène le rôle de
Catherine.
Mais, pour les autres acteurs, rien n'était
déterminé. Le romantisme, le symbolisme et
l'envie
de retrouver certains archétypes guidaient
l'écriture. De la première à
la
dernière page, nos personnages sont restés
parfaitement
fidèles à ce que nous attendions d'eux.
Longueur
Giorgino ne devait pas être si long. Le vrai
souci,
à mon
sens, est venu de ce timing
éclaté. Le film
devait faire 2 heures. Les derniers chronométrages se
situaient
très exactement entre 1h58 et 2h03. Au final, le film a fait
3h20 ! 1h20 de plus, sans qu'aucune scène ni aucun
dialogue ne soient ajoutés au scénario ! Dans les
années 80, Godard disait : "Il y a vingt ans, les
critiques avaient l'amour du cinéma ;
aujourd'hui,
ils ont l'amour de l'amour du cinéma." Je
crois qu'en raison du temps qui s'est
écoulé
entre l'écriture et le tournage, Laurent
s'est
distancié de son récit. Qu'il a fini
par avoir "l'amour de l'amour de Giorgino".
Le timing
des scènes s'est étiré sur
le tournage.
J'ai précisément en tête une
scène
calculée à vingt secondes avec Laurent et que
j'ai
retrouvée à 1 minute 10 en
projection !
Elle était de plus tournée en plan
séquence, donc
impossible à raccourcir. Laurent n'a pas
cherché au
montage à contrecarrer ce dérapage. Ces 3h20
n'étaient évidemment pas
prévues, sinon le
film aurait été même impossible
à monter.
Cela me ferait plaisir de revoir ce film aujourd'hui. Plaisir
et
appréhension. J'ai le souvenir de très
belles
choses, mais aussi de cet étirement du temps et
d'une
débauche d'images. Je me souviens
également de ces
petites ponctuations humoristiques qui apportaient un autre
degré à la douleur de l'histoire, et
qui ont
disparu au tournage et au mixage. Mais, quoi que soit devenu le film,
j'aime encore l'histoire et les personnages de
Giorgino. Et
je pense que c'est loin d'être un film
vide, en
dépit de ses étirements et de ses redondances.
J'assume totalement le script de ce film.
Montage et post-production
J'avais vu Laurent avant qu'il ne parte tourner, il
m'avait montré les maquettes des magnifiques
décors
de Pierre Guffroy. Après le tournage (auquel je
n'ai pas
assisté) j'ai dû voir un premier bout
à
bout. Je ne m'inquiétais pas trop encore
à ce
moment là, car lors des premiers montages, on voit
énormément de matière, et on ne sait
pas
exactement jusqu'où les coupes et les
aménagements
conduiront ce matériel brut. J'ai ensuite vu une
version
d'environ 3h30. Bien sûr, comme tout le monde,
j'ai
évoqué ces longueurs avec Laurent. Mais elles
n'étaient pas accidentelles pour lui, il les
revendiquait.
Laurent a toujours été quelqu'un
d'entier, et
de toute façon, en France au moins, le metteur en
scène
d'un film est le seul maître à bord.
Laurent a
mené son film tel qu'il le ressentait, selon sa
vision
d'artiste.
Sortie et réactions
Honnêtement, à la sortie du film, je ne savais
plus quoi
en penser. Je ne sais pas non plus ce qu'en pensait
réellement Laurent. C'est un être
secret. Je peux
comprendre qu'on déteste un film, mais
j'ai
été très choqué
à
l'époque par les attaques personnelles que
j'ai lues
dans la presse contre Laurent. Je me rappelle l'article
d'un journal de cinéma où
l'on
s'attaquait haineusement à lui, en tant
qu'individu
et non en tant que metteur en scène. Je lui ai
même
adressé une lettre à ce sujet, car les termes de
l'article étaient carrément vichyssois,
proprement
dégueulasses. L'échec du film et le
passage au
pilori de Laurent ont été à mon sens
beaucoup trop
cuisants. Bien sûr, cela m'a également
beaucoup
blessé. Ce film, c'était neuf mois
d'écriture passionnée et des années
d'attente. J'ai eu assez peur pour Laurent dans les
semaines qui ont suivi la sortie de Giorgino. Je me
demandais quel
homme serait capable d'encaisser toute cette haine. Mais
Laurent
est une force de la nature. Même s'il
s'est
éloigné de la mise en scène,
s'il a
été un temps
dégoûté de
l'image, j'espère et je crois
qu'on le
retrouvera un jour derrière la caméra, car
c'est un
homme de talent.
Pourvu
qu'elles soient douces
Laurent et Mylène ont inventé le clip qui raconte
de vraies histoires. Avant 1983, on faisait surtout de jolies images
qui illustraient gentiment les chansons... Nous étions dans
l'écriture de Giorgino,
quand un jour Laurent m'a dit qu'il adorerait faire une suite
à Libertine.
J'ai plongé dans le projet avec délectation, et
nous avons écrit Pourvu
qu'elles soient douces. Nous avons
rédigé une première version,
où Libertine inanimée était recueillie
par l'armée anglaise qui avait envahi la France. Puis, par
acquis de conscience, nous avons appelé un historien pour
vérifier la situation de l'époque. Et
là, nous avons eu la terrible surprise d'apprendre que
jamais une armée britannique n'avait
pénétré sur le sol français
pendant la Guerre de 7 ans ! Pour être exact, une troupe
avait bel et bien débarqué sur une plage, mais
elle avait tout de suite été rejetée
à la mer ! Donc, notre sujet ne tenait pas !
C'était une catastrophe, car les lieux, les
équipes et les dates de tournages étaient
déjà réservés !
Après une dizaine d'heures enfermés en
tête à tête, nous avons soudain compris
que cette "erreur" historique serait le sujet, la force même
du film : l'histoire d'un détachement anglais qui
pénètre par erreur sur le sol français
et qui découvre, grâce au "où suis-je?"
de Libertine qu'il est en territoire ennemi. Le clip s'est fait sur les
chapeaux de roue : l'écriture continuait alors
même que les préparatifs pour le tournage
commençaient, et nous avons dû aller
nous-mêmes chercher des costumes de soldats à
Marseille, car il y avait pénurie d'uniformes à
cette époque (en raison de la commémoration du
bicentenaire de la Révolution française, ndlr).
Sans
logique
Après Pourvu
qu'elles soient douces, Laurent m'a demandé de
réfléchir à des images et à
une histoire pour Sans
logique. Il savait parfaitement ce qu'il voulait, comme
d'habitude : un clip beaucoup moins cher, et un tournage beaucoup plus
rapide. Avec Laurent, tout s'est toujours très bien
passé sur le plan de la création. Nous nous
enfermions le matin à 9 heures, et nous discutions
à bâtons rompus, jusqu'à ce que des
images, puis le sujet, s'imposent. Après,
l'écriture était très naturelle, car
nous rédigions tous deux assez facilement. Sans logique est
né de cette façon. Comme pour le clip
précédent, tout se passait dans la mouvance de
l'écriture de Giorgino.
Ce film a donc été très porteur au
niveau de l'énergie, c'est d'ailleurs pour cette raison
qu'aujourd'hui, je me méfie de ces projets que les metteurs
en scène traînent pendant très (trop)
longtemps. Car au final, Giorgino
a peut-être été vidé d'une
certaine substance en nourrissant tous ces projets annexes, avant
même de voir le jour.
Concert 1989
En ce qui concerne le Palais des Sports, c'était encore une
expérience nouvelle pour moi. Je connaissais bien le
répertoire de Mylène. Elle venait parfois nous
lire les paroles d'une chanson, tandis que nous écrivions
avec Laurent, et nous nous entendions bien. Laurent et
Mylène m'ont demandé de les aider à
construire une colonne vertébrale au spectacle : proposer un
certain déroulement, aider à cadrer l'image de
Mylène depuis les affiches (où j'ai
proposé de décliner les petites phrases de L'Horloge de
Baudelaire), en passant par le décor et en
réfléchissant à la chronologie des
chansons autour d'une symbolique que raconterait le spectacle.
Regrets ?
Je peux vous dire que l'écriture de Giorgino a
été un pur moment de bonheur. Je ne regrette pas
l'univers abordé par ce récit. Ce
qu'il en
reste dans le film ? Je ne m'en souviens pas et
c'est
pourquoi, le temps passant, je le reverrais avec curiosité.