Interview réalisée dans une suite du Royal
Monceau à Paris. Mylène
avait demandé l'absence de
magnétophone et un droit de relecture avant publication ce
que le magazine aurait refusé. Première
interview presse pour son retour de 1999 avec
l'album Innamoramento (qui
sort la semaine de parution de l'interview). Interview
illustrée par des photos inédites de
Jean-Marie Périer. La photo
figurant à la Une est un cliché
inédit de Andre Rau. Elle : Vraie ou fausse
rousse ? Mylène
Farmer : Ma couleur naturelle est châtain,
c'était fade. Je
suis devenue rousse quand j'ai commencé à chanter. Pourquoi pas
platine ou corbeau ? Parce que
j'ai une peau de rousse. Il y a eu une erreur de la nature :
j'aurais dû naître rousse. Physiquement,
comment se trouve-t-elle ? (Moue,
gêne, silence) Je ne me supporte pas. Je me regarde
peu, je ne vois jamais mes clips. C'est très douloureux. Et ce corps mince
et
musclé ? Je me
trouve trop maigre; je rêve de prendre cinq kilos. Si peu s'aimer et
sans arrêt se cacher derrière des masques, des
déguisements, des maquillages. Mais ces
masques, c'est moi qui les choisis. Forcément, ils
traduisent quelque chose. C'est difficile de trouver le mot juste. Je
ne suis pas portée sur les confessions. Je ne me livre pas
parce que je ne sais pas. Je ne peux pas parler de moi. C'est
douloureux. On peut en mourir. La psychanalyse ? Ça
m'intéresse, d'un point de vue intellectuel.
Mais je n'ai pas le temps, et je ne suis pas sûre d'avoir
envie de ce genre d'introspection. Son enfance au
Québec Je n'ai
aucun souvenir d'enfance. C'est comme un trou noir : rien. La neige dans ses
clips et dans Giorgino Je ne me
sens bien que dans le froid. Pendant longtemps, je ne
supportais ni le soleil ni la chaleur.Ça va mieux depuis que
j'ai vécu en Californie. Ses parents ? Pardon,
mais c'est mon seul territoire privé. Laurent Boutonnat. Il
compose, j'écris. Il s'agit d'une vraie collaboration
artistique. Tout ce que je peux vous dire c'est que je n'ai jamais fait
quelque chose que je n'avais pas envie de faire. L'atmosphère
dix-huitièmiste de certains de ses clips. Je ne
peux pas expliquer pourquoi, mais je m'y sens bien. Je crois que
je me sentirais mal dans toutes les époques. Mais tout
compte fait, c'est au XIXè siècle que j'aurais
aimé vivre, ne me demandez pas pourquoi. L'ambiance sadomaso
de ses clips ? Cela doit
correspondre à des fantasmes que je porte en moi. Les
cimetières, la mort qui plane partout ? J'adore les
cimetières,
c'est un des endroits dans lesquels je me sens bien.
Où que j'aille dans le monde, j'y vais,
cela apprend beaucoup sur une culture, un peuple. Ce goût
doit me venir de l'enfance. J'ai
retrouvé des lettres de ma grand-mère dans
lesquelles elle me disait : "Dimanche, je
t'emmènerai dans tel cimetière". Ses collaborations avec Luc
Besson et Abel Ferrara Je les ai
appelés tout simplement.
Ferrara, cela a été dur, des mois de
négociation, de coups de fil à trois heures du
matin. Son désir de
cinéma J'en avais un
désir presque
clinique, le désir est toujours là.
J'attends qu'un réalisateur ait envie de
moi. La
notoriété lui pèse-t-elle ? J'aime cet
état-là,
j'aime qu'on me reconnaisse, j'aime
l'idée d'avoir accompli ce petit bout de
chemin, mais je m'égare... C'est vrai
que c'est aussi pesant. Quand j'ai besoin
d'un réel anonymat, je vais le chercher
à l'étranger. Je crois que je pourrais
vivre à New York, je m'y sens bien. Je peux y
marcher dans la rue sans me soucier de savoir si je suis jolie ou si je
marche droit, entrer dans un café, des choses toutes
bêtes. Choses qu'elle ne
peut plus faire à Paris ? En tout
cas, je ne me les autorise pas. On peut toujours faire tout ce
qu'on veut, mais c'est dur
d'être observée quand on n'a
pas envie de l'être.
La vie de Mylène
Farmer à Paris ? Ma vie est
essentiellement consacrée
à mon travail. Je sors très peu, je vois peu de
gens. Je vis comme une recluse. C'est vrai, parfois
j'ai le sentiment d'être
enterrée vivante. Mais il y a des choses plus douloureuses
dans la vie. Son singe capucin ? Il est
extraordinairement intelligent et agile ;
vous
savez, ce sont ces singes qui aident les handicapés. L'actualité ? Le Pacs, la
parité, non, je ne suis pas
tout ça. L'amour ? On
voudrait tellement que la passion dure, mais la
réalité nous contraint à dire que,
non, ça ne dure pas.