Podium : On va donc
se balader sur ton album !
Mylène Farmer : C'est un peu ma propre torture d'expliquer
comme ça mais on va essayer...
Podium :
Commençons par Agnus Dei que l'on
peut traduire par Agneau de Dieu...
Mylène
Farmer : C'est encore un peu
cynique de ma
part. Je ne me suis toujours pas débarrassée de
toutes
ces choses. Par contre au niveau de la production et de la structure de
la chanson, c'est assez nouveau pour moi.
Podium : Es-tu
très
présente lors des séances studios ?
Mylène Farmer : J'adore suivre de près
tout ce qui
est production en studio. Je ne m'écarte jamais de la
production
d'un album.
Podium : Je sais
que tu
écoutes du classique, mais en dehors de ça, es-tu
sensible aux nouveaux mouvements musicaux, je pense au rap par exemple ?
Mylène Farmer : Ça me tape sur les nerfs le
rap... Est-ce
quelque chose d'important aujourd'hui ? Certainement puisque cela
marche si bien mais il est dommage que cela devienne tout et n'importe
quoi. Je ne vois pas un groupe que l'on puisse sortir du lot. Non, cela
me casse les pieds !
Podium : Venons en
à Désenchantée,
un mot lourd de signification ?
Mylène Farmer : C'est quelque chose qui m'est familier
depuis
très longtemps. C'est une perte d'illusion permanente. Pour
moi,
ce mot est poétique, il est déjà beau
comme
ça. Il évoque des choses dans la
sonorité des
syllabes. Pour le reste je ne peux que
répéter la
signification du mot : plus d'illusions, plus d'enchantement...
Podium : Des textes
ont été plus difficiles à
écrire que d'autres ?
Mylène Farmer : Paradoxalement le plus dur à
écrire a été le texte du duo avec
Jean-Louis
Murat. Il est toujours délicat de faire entrer quelqu'un
dans
son propre univers. Il faut prêter des mots à
quelqu'un
d'autre, même si on le connaît très
bien, c'est une
chose compliquée.
Podium : L'autre,
la chanson qui donne son titre
à l'album ?
Mylène Farmer : Je ne peux pas non plus lui donner de
signification très précise. « L'autre»
suggère tellement de choses. Cela peut être
l'autre moi,
l'autre, le compagnon. J'ai pris ce mot pour évoquer
beaucoup de
choses dont certaines ne sont pas visibles et planent au-dessus de
nous. Pour ce qui est de la chanson, elle parle de la
présence
très volatile de quelqu'un ! Podium : On peut
savoir de qui il s'agit ? Mylène
Farmer : C'est quelqu'un en particulier pour moi mais
qui n'a pas de nom, qui n'a pas de chair. Podium : Je
t'aime mélancolie, le titre semble
très
clair ! Mylène
Farmer : Il est vrai que cela fait partie de mes
thèmes de prédilection. L'état de
mélancolie est quelque chose d'aigre-doux. J'ai
essayé de développer cette idée...
J'aime bien ces états même s'ils sont parfois un
peu douloureux. On peut se laisser un peu bercer dans ces
états même si cela mène sur les larmes.
Mais les larmes, j'aime ça aussi... Podium : Pas
très gai tout cela ? Mylène
Farmer : C'est vrai qu'au regard ne serait-ce que des
titres, ce n'est pas très gai... J'ai même
l'impression qu'au-delà de tout cela, il y a une
sérénité que je n'avais
peut-être pas dans l'album précédent. Podium : Tu as une
idée de la façon dont les gens
écoutent cet album ? Mylène
Farmer : On n'a pas pensé concept, mais il
est évident que quelque chose se dessine au fur et
à mesure où l'album s'est fait. Podium : Psychiatric
était
déjà présent sur le maxi de A
quoi je sers... je crois ? (il s'agit
en fait du CD Maxi de Allan, ndlr) Mylène
Farmer : Laurent a complètement
développé et refait Psychiatric.
La nouvelle version est encore plus clinique
(rires). Podium : Encore un
thème très 'Farmer' ? Mylène
Farmer : Oui, c'est un univers qui me fascine... Du
moins cette imagerie de la psychiatrie. C'est passionnant parce que
bouleversant et incompréhensible. Podium : Regrets,
le nouveau single, le duo avec
Murat ? Mylène
Farmer : Là aussi je dirais que je ne
marie pas le regret avec déception et ratage.
Plutôt ces choses que l'on aurait pu faire mais que l'on
décide de ne pas faire... avec tout ce que cela comporte de
masochisme et de romantisme aussi ! Podium :
Pourquoi
Jean-Louis Murat ? Mylène
Farmer : Parce que j'ai l'impression que nous sommes
très très proches. J'ai l'impression d'avoir un
frère jumeau dans ce métier. J'admire sa
façon d'écrire ! Podium : Il a aussi
un côté très sauvage ? Mylène
Farmer : Un côté
poète et paysan, enfant de la terre qui est tellement loin
de moi. Il est vraiment très particulier et unique. Podium : Tu as
écrit la chanson
avec l'idée du duo ? Mylène
Farmer : Oui, c'était vraiment un souhait
commun. J'ai écrit la chanson en pensant à lui. Podium : Pas
de doute, le petit sourire de
l'album ?t Mylène
Farmer : Cela fait partie du cycle Libertine,
Pourvu qu'elles soient douces. Là
encore j'ai sûrement certains
comptes à régler avec la gente masculine. C'est
une façon de ne pas se prendre au sérieux pour la
chanson un peu différente du reste de l'album. Podium : Mais Il
n'y a pas d'ailleurs ? Mylène
Farmer : Le titre explique je crois la
pensée de la chanson. Oui, ma foi, il n'y a pas d'ailleurs.
C'est dur de penser et d'accepter cela. Toute chose naît et
meurt et c'est partout pareil ! Tout se termine par la même
chose... Podium : Beyond
my control... Mylène
Farmer : C'est une histoire d'amour qui se termine dans le sang... Car
c'est plus facile de garder les personnes comme ça (rires). Podium : Pour finir
: Nous souviendrons nous? Mylène
Farmer : J'ai essayé d'évoquer
la vérité des choses et d'être
honnête avec moi par rapport à des personnes que
j'ai pu rencontrer et avec qui j'ai pu partager des choses. Cela peut
être le public et mille autres choses. Là c'est
véritablement l'autre !